Au fil de ses recherches, Benjamin se rend à l’évidence : il faudra que son Livre des passages soit enrichi par des images. Une « documentation visuelle » se constitue bientôt, écrit-il, glanée pour l’essentiel dans les recueils du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale où il travaille pendant son exil parisien. Une centaine de notes témoignent de cette collecte et conservent, enfermée dans leurs plis, la mention d’une ou de plusieurs images qui sont restées pour la plupart inconnues jusqu’ici.
Steffen Haug a voulu retrouver cette réserve enfouie. Gravures et dessins de presse, tracts, réclames, affiches et photographies, de Meryon et Grandville à Daumier, en passant par l’infinie cohorte anonyme et le tout-venant de la production visuelle à grand tirage du XIXe siècle : la moisson rapportée ici est surprenante. Elle invite à lire ou relire les Passages en faisant à l’image toute la place qu’elle occupe dans la pensée du dernier Benjamin, à l’heure où s’élaborent, sous la menace de temps assombris, son essai « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », le projet de livre sur Baudelaire ou ses « Thèses sur le concept d’histoire ».
Il y a plaisir à saluer l‘arrivée d’un philosophe tout neuf qui soudain bondit dans le cortège dionysiaque. Plus on est de fous, plus on pense, le proverbe dit vrai et notre temps de misère a plus que besoin de se refaire – s’il se peut – une vigueur spéculative. Il y a plus que du plaisir, une vraie jubilation lorsque le tout neuf philosophe affirme une pensée de la jouissance, de l’abondance et de la dépense au sens de Bataille (ici toujours discrètement mais efficacement présent). Une pensée énergique au sens le plus – oserais-je dire « vitalisant » du terme. L’energeia n’a-t-elle de sens que depuis l’être ? N’y a-t-il pas une autre énergie à penser ? Une énergie non pas de l’être, ni relative à celle extraite de la nature pour des fins productives et économiques, mais une énergie excédentaire, une sorte de « dépense improductive » (Bataille) de la vie ? Une énergie qui serait le luxe biologique du vivant. Ce luxe biologique, Valentin Husson le pense comme – on ne peut plus dire « ontologique » – comme existence en un sens qui se dérobe à Heidegger et à son « sens de l’être » pour affirmer un avoir à être selon lequel l’être se dissipe au-delà de toute consistance tandis que l’avoir à prend toute l’énergie d’une vie en débordante envie d’elle-même. Jean-Luc Nancy
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